Petit topo sur les GARANTIES DE REPRÉSENTATION

AVANT LA MANIF : PRÉVOIR LES GALÈRES JUDICIAIRES

En manif on risque la garde-à-vue (GAV) : gère tes GR !

Petit topo en 12 points sur les Garanties de Représentation (GR), pour descendre dans la rue l’esprit libre.

1. Qu’est-ce que c’est ? Les garanties c’est l’ensemble de documents qui doit convaincre lae juge qu’on va pas disparaître à Pétaouchnok-les-Ombrelles d’ici notre procès.

2. Quels documents ?
En résumé :
– une identité
– un domicile
– une activité

En détail :
– une pièce d’identité valide
– un justificatif de domicile (facture EDF ou téléphone) à son nom datant de moins de 3 mois
– un contrat de travail, une promesse d’embauche, un certificat de scolarité, ou bien une attestation de membre d’une association quelconque

3. À qui les donner ? À une personne référente qui ne va pas en manif. S’ielle n’a toujours pas de nouvelles de nous le lendemain de la manif, ielle les enverra par mail à l’avocat·e qu’on lui compte désigner (nom+barreau), ou à la legal team :
stoprepression[AT]riseup[POINT]net

4. Quand servent-ils ? Au tribunal après la GAV : face au juge des libertés et de la détention (JLD) si on nous convoque pour un procès plus tard, ou en comparution immédiate au cours de laquelle on va nous demander si on souhaite être jugé·e aujourd’hui ou plus tard. À la Défense Collective, en cas de comparution immédiate, on vous conseille fortement de demander un délai pour avoir le temps de préparer la défense sereinement. Ce délai est toujours accordé, l’objet de ce topo est de pouvoir être libéré en attendant le procès.

5. À quoi servent-ils ? Quand on demande un délai, le procès est reporté et les juges examinent nos GR. Ces papiers peuvent nous éviter d’être envoyé·e·s en détention provisoire (DP, c’est-à-dire en prison en attendant notre procès).

6. Quels sont les inconvénients de donner ces papiers au juge ? On n’a pas toustes des papiers, un taf ou une activité officielle, un logement fiable pour les juges. Donner ces papiers peut souligner le fait que certain·e·s n’en ont pas, et les juges pourront en enfoncer d’autres, par comparaison. N’en faisons pas trop : ne donnons pas de lettre de bonne morale ou de diplômes par exemple.

7. Face à ça, quelle stratégie adopter ? On peut choisir d’harmoniser nos papiers avec celles et ceux qui sont dans la même affaire que nous. À la DCPB on essaie de niveler par le haut, et trouver un max de papiers, vrais ou faux, pour toustes. Y’a toujours moyen de bidouiller. Une attestation d’hébergement à titre gratuit, avec une photocopie de la pièce d’identité de l’hégergeur/euse et son justificatif de domicile fera l’affaire pour une personne SDF. Une promesse d’embauche officielle peut être créée par n’importe quel employeur, tout comme une preuve d’activité au sein d’une asso.

8. Nos garanties de représentation nous ayant permis d’éviter la détention provisoire, on est très souvent placé·e sous controle judiciaire (CJ) par le tribunal. Cela peut prendre de multiples formes, parmi les plus courantes :
– obligation de pointer (signer) à un commissariat proche de notre domicile
– interdiction de paraître dans certains lieux (villes, arrondissements…)
– interdiction de port d’arme ou de manifester jusqu’au procès
– interdiction de voir les gens avec qui on est inculpé·e

9. Astuce : Pensons notre domiciliation de manière stratégique. En cas de contrôle judiciaire, l’obligation de pointer (par exemple signer toutes les semaines au commissariat) sera à un comico proche de l’adresse donnée. Les juges ne peuvent pas nous interdire d’un territoire où on vit/travaille. Suite à une manif à Paris, si on habite en banlieue et qu’on veut revenir intramuros pendant le CJ, on peut se domicilier chez un·e ami·e qui y vit, et qui veut bien attester qu’ielle nous héberge.

10. Quid de donner un faux nom ? Tout d’abord à ne pas confondre !!! Il y a donner un faux nom lors d’un contrôle et en vérification d’identité (pour entraver le fichage ou par stratégie collective lors d’une rafle), et donner un faux nom pendant sa garde-à-vue. On parle ici que du 2e cas : en GAV, càd quand on est face à un·e officièr·e de police judiciaire qui nous dit qu’on est en GAV.

Avantages : sortir du comico avec ou sans convocation, ou du tribunal avec un rappel à la loi, sans avoir donné son identité -> tout bénef !

Inconvénients : être déféré·e au tribunal et passer devant lae JLD (convocation pour un procès plus tard) ou passer en comparution immédiate ; là il nous faut des GR sinon on risque très fort la DP.

Problème : à moins d’avoir prévu son coup, nos GR sont à notre vrai nom.

On peut donner son vrai nom une fois au tribunal, mais ça augmente le risque de DP.

Conclusion : si vous avez pas une idée très claire des différentes éventualités et des risques, on recommande par défaut de donner son vrai nom à partir du début de la GAV.

10. Astuce bis : Pensons à indiquer avec nos garanties les n° de tél des personnes à faire prévenir en cas de GAV (ex : employeur/euse, famille, potes) et quoi leur dire. C’est pratique et ça nous évite aussi de devoir demander aux flics de le faire en début de GAV.

11. Warning : les juges n’ont pas l’habitude de vérifier les GR, mais nous interrogent dessus pour vérifier qu’elles sont vraies. Demande les infos à ton avocat·e dans le couloir avant le JLD ou avant la comparution immédiate. En gros il faut être prêt·e à pouvoir répondre aux questions auxquelles on est censé·e normalement répondre : notre filière, notre année, notre établissement si on a un certificat de scolarité ; notre adresse ; l’entreprise qui nous emploie/promet un emploi ; etc.

12. Astuce ter : on encourage les groupes à s’organiser de sorte qu’une personne référente puisse gérer les GR pour plusieurs personnes, histoire de s’alléger les tâches et de gérer le danger collectivement !

Voilà, on est fin·e prêt·e pour faire face aux galères judiciaires.

À bientôt dans la rue !!

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Communiqué sur l’affaire de la place Ste Marthe : contre la gentrification, pour la défense collective !

Lundi 28 septembre, deux jours après le début de l’occupation « implantons la résistance », contre la gentrification du quartier de la place Sainte Marthe et pour une écologie radicale à Paris, cinq personnes se sont faites arrêter.

L’occupation de la place Sainte Marthe avait pour objectif d’instaurer un nouveau rapport de force en faveur de la lutte contre la gentrification qui a lieu dans le quartier, déjà impulsée par des habitant.es organisé.es depuis plusieurs années. Le quartier de la place Sainte Marthe, qui est une des premières cités ouvrières de Paris, est aujourd’hui à la merci des projets de transformation urbaine portés par deux rapaces de l’investissement immobilier : Nexity et Edmond Coignet. Ces deux entreprises sont en effet devenues actionnaires majoritaires en 2019 de la Société Immoblière de Normandie (SIN), propriétaire historique de 120 lots dans le quartier. Retour ligne automatique
Parmi ces lots, 80 sont des locaux au rez-de-chaussée qui ont permis jusqu’à très récemment, grâce à des loyers 4 fois en dessous du prix du marché, d’abriter des activités d’artisanat de plus en plus rares dans le centre parisien. Les projets des nouveaux propriétaires sont tout autres. Ces baux avantageux ne sont pas renouvelés, et par conséquent des centaines de m² se retrouvent vides tandis que leurs loyers grimpent : aujourd’hui, plus d’une quinzaine de locaux sont innoccupés alors que les AIRBNB et autres bars branchés fleurissent. Comme toujours dans des processus avancés de gentrification, les habitant-es de ce quartier populaire voient les loyers exploser. Les galérien.nes, les sans-abris, les sans-papiers, les révolté.es qui squattent régulièrement sur la place sont peu à peu remplacé.es par une population aisée et pacifiée. Retour ligne automatique
C’est en partie pour s’opposer à ce projet de ville rentable et mortifère que plusieurs locaux appartenant à la SIN ont été occupés durant ce week end de luttes, mais aussi pour disposer d’un espace d’organisation autonome dans Paris, ce qui manque souvent.

Lundi 28 septembre, des représentant.es de la société immobilière Edmond Coignet se sont rendus dans le quartier pour constater les locaux occupés. Face à leur attitude défensive, une assemblée s’est mise en place sur la place Sainte Marthe, avec musique, banderoles et slogans pour défendre les lieux occupés pendant le week-end. Plusieurs hommes, sûrement alertés par les promoteurs et qui ont été reconnus plus tard devant le comico comme des BACeux, se sont approchés d’un des locaux puis ont tenté d’interpeller un de nos camarades. Une vingtaine de flics de différents comicos ont ensuite débarqué et des arrestations ont eu lieu. Dans leurs dépositions, les flics racontent qu’entre 50 et 60 personnes ont tenté de désarrêter le camarade et ont défendu le local occupé, où le collectif d’occupant-es a depuis développé des activités de solidarité et d’entraide au sein du quartier. 5 personnes ont été arrêtées et plusieurs flics se sont fait prescrire des ITT, dont un 15 jours d’ITT.

Nous pensons qu’il est important de réouvrir des espaces d’organisation autonomes et de les maintenir. Nous avons besoin de lieux pour nous réunir, discuter, nous organiser, qui ne soient pas nos appartements personnels quand nous avons la chance d’en avoir. Des lieux pour faire nos banderoles, pour essayer de réinventer des relations sociales horizontales et échanger sur les systèmes de domination qui nous touchent. Des lieux pour se sentir bien. Nous avons le sentiment que ces espaces autonomes disparaissent progressivement de la région parisienne, et nous souhaitons contrer l’idée collectivement partagée qu’il devient impossible de squatter. Ces lieux ne nous seront pas donnés, nous devons les prendre et essayer de les défendre quand ils sont attaqués par les flics ou la justice.

Pendant la garde-à-vue des cinq camarades arrêté-es, des compagnon.nes à l’extérieur n’ont pas laissé le cours des choses se dérouler tranquillement et ont tenté de briser leur isolement : une petite manif sauvage et plusieurs rassemblements devant le comico où iels étaient enfermé.es ont exprimé notre solidarité et notre rage et ont fait pression sur les flics qui ont retardé le défèrement au tribunal car ils craignaient des perturbations. On pouvait lire sur les banderoles « On n’entre pas en lutte sans effraction », « Demain s’ouvre au pied de biche » ou encore « Joyeux GAViversaire ». Les cris et les chants de l’extérieur sont parvenus jusqu’aux oreilles des personnes enfermées, ce qui leur a fait du bien et a réussi à casser la monotonie des cellules et des interrogatoires. Les co-détenu-es aussi semblaient content-es d’avoir entendu la solidarité de l’extérieur.

Appel à soutien pour les camarades en GAV

Un autre rassemblement s’est tenu devant le Tribunal de Grande Instance, pendant leur passage devant le juge des libertés et de la détention, pour montrer qu’iels n’étaient pas isolé.es et attendre une potentielle libération. Après une garde-à-vue de 50h et 16h de dépôt au TGI de Paris, les 5 personnes sont ressorties. Deux d’entre elles ont écopés d’un rappel à la loi, pratique de plus en plus courante permettant d’imposer sans jugement des mesures arbitraires empêchant de s’organiser comme des interdictions de territoires ou de manifs, mais qui ne figurent ni au casier, ni n’engendrent de réelles suites ou menaces judiciaires. Les trois autres sortent avec une convocation pour un procès qui devait avoir lieu le 27 Novembre 2020 pour « violences en réunion sur personnes dépositaires de l’autorité publique » et aussi pour « refus de signalétique ». Ces 3 personnes ont un contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact, le procureur justifiant cela au motif qu’elles avaient gardé le silence pendant leur garde-à-vue. Finalement, lors de l’audience, un report sera obtenu. Le procès aura finalement lieu le 24 février 2021.

L’interdiction d’entrer en contact vise à briser les liens d’affinité et/ou d’organisation entre les inculpé.es, d’instaurer une pression psychologique nuisible au quotidien, et contribue à entraver toute organisation d’une défense collective (ou à minima concertée) efficace au tribunal. De façon générale, comme face à toute autre mesure de contrôle, cela vaudra toujours le coup de le contourner, de l’attaquer et de continuer à s’organiser malgré tout. Les procès et les contrôles judiciaires ont eu l’effet inverse de celui escompté par la justice et ont renforcé la détermination collective. Ils n’ont pas non plus mis fin à la lutte contre la gentrification dans le quartier de Ste Marthe.

Le « refus de signalétique », second motif qui leur est reproché, renvoie au refus de se laisser prendre en photo sous toutes les coutures, de donner ses empreintes et de se laisser mesurer par les flics pendant la garde-à-vue. Il est possible et souhaitable de refuser d’y collaborer, même si cela constitue un délit. Non seulement pour des raisons pratiques, pour éviter de nous retrouver inculpé.es dans le futur sur la base de ces informations. Mais aussi pour des raisons politiques : nous nous opposons au fichage policier. Le fichage et le renseignement sont utilisés dans la construction des enquêtes policières. Ces enquêtes aboutissent à des montages juridiques établissant des liens, souvent fictifs, entre compagnon.nes, ce qui permet leur inculpation, par exemple sous le motifs d’« association de malfaiteurs » comme à Toulouse ou en Italie, ou de « violence en réunion », et servent de terreau pour réprimer et emprisonner celles et ceux qui se soulèvent contre l’État et toutes les formes de pouvoir. Le délit de refus de signalétique, s’il est de plus en plus poursuivi même seul ces derniers temps, reste assez léger, la plupart du temps il est puni d’une amende de moins de 300 euros. Cela vaudra toujours le coup de privilégier une stratégie de long terme en refusant le fichage !

Nous ne souhaitons pas laisser la préparation de la défense entre les seules mains des avocat-es et le contrôle judiciaire ne pourra pas empêcher une approche collective de la préparation de la défense. Nous continuerons à communiquer sur le procès et d’éventuelles actions de solidarité. A travers ces textes nous espérons inciter d’autres personnes à communiquer sur leur procès pour ne pas rester isolé.e. Partageons nos pratiques de défense face à la police et la justice !

Lorque des compagnon-ne passent en procès, le discours officiel est ambigu. Car d’un côté il voudrait faire croire qu’il s’agit simplement de personnes ayant enfreint des lois individuellement. En effet, la justice a pour principle d’individualiser les peines, d’isoler les faits des contextes sociaux ou politiques pour n’en conserver que le profil social des individus qu’elle doit juger. D’un autre côté, la justice crée de toute pièce des groupes, des « associations de malfaiteurs », des relations entre des individu.es et criminalise des actes politiques en tant que tels, même de basse intensité pour mieux pouvoir les réprimer sévèrement par la suite.

Le système pénal prétend passer sous jugement des faits de manière impartiale. Nous pensons au contraire qu’il est un acteur de la guerre sociale, que l’objectif des institutions actuelles, la justice, comme la police, est de briser les formes d’organisation et les liens que nous tissons entre nous pour lutter contre les pouvoirs qui nous oppriment. Lorsque des compagnon-nes sont attaqués par la police et la justice, c’est l’ensemble du mouvement social qui est attaqué. Et c’est l’ensemble des composantes en lutte qui devraient y répondre et être solidaires. De la même façon, nos comportements individuels face à la police et la justice impliquent en fait l’ensemble du mouvement social. Refuser collectivement de se soumettre à l’individualisation de la justice, c’est contrer le profilage utilisé par les juges pour condamner plus lourdement celleux qui n’ont pas de travail ou de logement. Refuser collectivement de donner ses empreintes, c’est empêcher la justice de condamner les rares personnes qui refusent actuellement de s’y soumettre.

Défendons-nous collectivement de manière autonome et horizontale, et refusons l’isolement !

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Analyse de la manif du 12 décembre 2020

Ce qu’on a vécu ce samedi 12 décembre, c’est une vengeance. La vengeance d’un État qui ne peut pas accepter 1 mois de manifs déter et les images d’unités anti-émeutes en fuite tous les samedi. D’un point de vue tactique, la préfecture nous explique très clairement en quoi consistait cette vengeance : surnombre, mobilité, arrestations préventives, et cela correpond plutôt à ce qu’on a pu expérimenter dans la rue. Dans les faits, les flics ont démarré les hostilités dès le début de la manif et ce grâce à deux stratégies, toutes les deux plutôt nouvelles comparées à ce qu’on a connu jusqu’ici.

D’abord, dans le déploiement du maintien de l’ordre. Les Gendarmes mobiles et les CRS nous encadraient de part et d’autre du trajet, et bloquaient toute sortie. La CSI principalement, mais parfois aussi les BRAV-M, effectuaient des incursions dans le cortège et des charges grâce à des lignes de flics beaucoup plus longues que d’habitude, et « passaient le balai » dans la manif, d’un trottoir à l’autre, poussant les gens avec leurs boucliers et matraquant quand les arrestations échouaient. A plusieurs reprises, ça chargeait à gauche ET à droite, en même temps. Parfois, le mouvement de recul face à une charge nous amenait dans une autre charge provenant de l’autre côté. Puis les CSI et BRAV-M remontaient le cortège pour recommencer le même mouvement un peu plus loin. Pas de nuages de gaz par ailleurs, ou très peu et seulement au corps à corps, ce qui n’est pas dans l’habitude du maintien de l’ordre tel qu’on le connait. Même une fois arrivé.es sur Répu, nous n’avons pas pu créer de débordement et les flics ont vidé la place en un temps record, utilisant la même stratégie. Le canon à eau était de sortie et seul.es les gens équipés de parapluies ont pu l’approcher.

Ensuite, dans les temporalités. Les charges ont commencé très peu de temps après le début du cortège. Les flics n’ont pas attendu de se faire bolosser pour venir nous chercher. Peu de gens ont eu le temps de se changer et les charges ont endigué la formation d’une partie de cortège déter. La stratégie officielle était donc d’éviter la constitution d’un bloc, en chargeant préventivement tout rassemblement de manifestant.es vêtu.es de noir, dans une définition particulièrement floue de la radicalité. Elle a créé un ascendant psychologique du côté des keufs qu’il nous a été difficile de défaire.

Séparément, chacune de ses tactiques a déjà été expérimentée à de nombreuses reprises lors des luttes précédentes. Pour ne donner que quelques exemples : des interpellations massives, y compris en amont, suite aux fouilles de sacs et des contrôles aux abords de la manif, lors des premiers actes des Gilets jaunes ou des 1er mai des années précédentes ; l’encadrement de la tête du cortège pendant le mouvement contre la réforme des retraites ou contre la loi travail ; enfin, des charges préventives pour tenter d’empêcher la constitution d’un bloc ont déjà été tentées elles aussi, même si elles ont échoué la semaine dernière. Mais c’est assez rare que toutes ces stratégies viennent simultanément s’appliquer, et à un tel degré d’intensité. L’ensemble du cortège était à ce point prit au piège qu’on ressentait une impossibilité de bouger librement, et une certaine vulnérabilité face aux flics, et ce peu importe à quel endroit de la manif l’on se trouvait.

En réalité, l’État se devait de briser notre confiance, acquise ces derniers mois, dans notre capacité à tenir la rue. Parce que chaque samedi nous avions réussi à déborder le cadre de ces manifestations rangées qui ne pèsent pas dans le rapport de force politique, l’état se devait de réinstaurer sa présence et son pouvoir. Plus que des assauts physiques, ce que nous avons vécu c’est une guerre psychologique. Beaucoup de charges plus spectaculaires que nécessaires, beaucoup d’arrestations (environ 150) pour une petite manif où il ne s’est pas passé grand chose. La police se devait de prouver sa capacité à détruire la contestation radicale et d’imposer le rythme de la conflictualité. Cette stratégie d’ensemble, celle du « t’as gagné le combat si tu portes le premier coup par surprise » on ne la connait qu’assez peu. Et si elle continue, on va clairement devoir s’adapter.

N’oublions pas tout de même que cette stratégie a été rendu possible par la désertion, somme toute assez classique, des syndicats et de la majorité des collectifs et organisations politiques contre la loi sécuritaire. En évoquant la soi-disante sécurité des manifestant.es, c’est en réalité une dissociation franche et massive qui a été actée, laissant le champ libre au préfet pour mater la manif. C’est une participation directe et sans concession de la LDH et des hiérarchies syndicales à la répression, qui n’avait besoin que d’une seule chose : la séparation nette entre « bon.nes » et « mauvais.e » manifestant.es. Cette séparation binaire en deux catégories construites de toute pièce constitue depuis longtemps la base de la répression policière et judiciaire des mouvements sociaux, ce qui est répété sans relâche depuis des années. Mais visiblement, il est plus important pour ces organisations de participer à la pacification de la contestation que d’oser s’opposer à la dichotomie voulue par l’État. En effet le cortège était moins fourni que les fois précédentes et comptait beaucoup de gens sans étiquettes, ce qui faisait plaisir à voir malgré le maintien de l’ordre.

Bien entendu, les médias s’en gargarisent. Un journal puant pose « 3 questions sur la nouvelle technique de maintien de l’ordre », citant tour à tour Alliance, la préfecture et le ministère. Ailleurs, des éditorialistes peinent à masquer leur jouissance face au déploiement policier, et annoncent avec un ton faussement objectif qu’on assiste au « maintien de l’ordre du futur » ou que les manifestant.e ensanglanté.es seraient maquillé.es. Le nombre d’interpellations vient conforter l’État et les plateaux télé dans le niveau de conflictualité qu’il a lui-même choisi d’établir : si autant de personnes se sont faites chopper, c’est qu’il y avait au moins autant de casseurs que d’interpelé.es, c’est donc que la prochaine fois il faudra en chopper encore plus. Partout, la stratégie policière est défendue et ensencée : on a enfin réussi à ramener l’ordre dans la capitale, on a trouvé la bonne stratégie, ça y est, on peut dormir sur nos deux oreilles.

Il ne tient qu’à nous de faire en sorte que ce ne soit pas le cas.

Face à chaque charge policière, peu de mouvements de foule et de panique. Nous avons résisté, et nous nous sommes tenu.es les un.es aux autres, formant des grappes humaines solidaires. Nous avons pris des coups, mais nous avons essayé d’empêcher les arrestations à chaque fois que c’était possible, sans distinction de nos couleurs de fringues ou de nos pratiques. Même si elle n’a pas permis de mettre en échec le dispositif policier, c’est probablement la meilleure réponse qu’on pouvait offrir dans le contexte qui s’imposait à nous et avec les moyens que nous avions : refuser le tri entre celleux qui pourraient se balader tranquillement entre Châtelet et répu, et les autres dont la place est en garde-à-vue. On a également été assez marqué.es par la diffusion du matériel de protection. De plus en plus de camarades, vêtu.es de noir ou non, viennent avec des masques de protection pour les yeux et la respiration, et c’est chouette à voir.

Big up aux copain.es qui ont lâché un énorme tag sur la statue de la Place de la République « Respecte les putes, pas les keufs »,  et aux camarades qui les ont aidé à désescalader la statue quand les flics ont voulu les chopper.

Il nous reste quelques questions, auxquelles il est difficile d’apporter une réponse. Si la stratégie policière se base sur un critère vestimentaire, faut-il abandonner le noir en manif et continuer à s’anonymiser d’une autre manière ? Ou faut-il au contraire le généraliser pour brouiller les repères au tribunal ? Ce qui est sûr, c’est qu’il est possible de masquer proprement son identification avec des vêtements pas forcément noirs, ni flashy, mais amples et homogènes, sans logos, qu’on ne garde pas chez soi après la manif.

Pour finir, nous conseillons vivement d’ouvrir des espaces de paroles suite à la manif. C’était violent, psychologiquement et physiquement, c’était dur, et on pense que c’est nécessaire de ménager des moments de debrief et d’extériorisation dans nos groupes pour les personnes qui souhaiteraient en rediscuter. L’objectif de l’état, c’est l’isolement par la peur, pour qu’on ne retourne pas dans la rue en-dehors des cadres pacifiés et inutiles des syndicats. Notre stratégie face à ça, ça pourrait au contraire de ne pas rester isolé.es face à nos angoisses, d’en parler entre nous, d’offrir un cadre à ces discussions qui ne soit pas viriliste mais qui prenne en compte les limites de chacun.es et nos capacité différentes à supporter cette violence. C’est normal d’avoir peur, parlons-en pour l’affronter collectivement.

Pour nous contacter : defensecollective-pb@riseup.net
Fb : Défense collective Paris Banlieues
Twitter : defensecopb

Publié dans General, MANIFS ET STRATEGIES | Commentaires fermés sur Analyse de la manif du 12 décembre 2020

Analyse critique de la manif du 5 décembre 2020 contre la Loi Sécurité Globale

Nos compte-rendus n’ont pas vocation à refléter l’entièreté ou la chronologie de la manif, mais cherchent à revenir sur les tactiques de rue dans le but de continuer à développer ensemble notre défense face à la police. Comme tous les comptes rendus, il a été écrit d’un certain point de vue : celui de la défense collective comme pratique. Et se défendre ensemble, pour nous, ça commence dans la rue. Les analyses critiques sont écrites au passif pour des raisons que chacun.e peut imaginer mais en tant que manifestant.es nous cherchons à nous les appliquer d’abord à nous-mêmes. Lorsqu’un nous est utilisé, il l’est au sens des personnes présentes à cette manifestation.

En arrivant dans la manif, premier constat, flagrant : les flics n’ont pas l’intention de nous laisser la rue aussi facilement que la semaine dernière. Des gendarmes mobiles (GM) encadrent le cortège des deux côtés. Leur proximité est pressante, d’autant plus que la rue n’est pas si large. Les premières incursions policières arrivent rapidement. Mais, s’il n’y avait pas autant de monde que la dernière fois, l’intervention du cortège était aussi déter. Jets de peinture flashy, feux d’artifice flamboyants, pétards et fumigènes ont tenu les flics à distance pas mal de fois. Si la police avait le malheur de faire un pas en arrière, la foule les repoussait, se jetant sur eux, accélérant ou provoquant leur retraite. Finalement nous pouvons dire qu’à nouveau, nous avons réussi à tenir la rue, et à y faire ce que bon nous semble. Retour ligne automatique
La BAC a repointé le bout de son nez après une période d’hibernation. Nous ne les avions pas vu depuis un moment. Ils sont restés dans la manif moins de 30 secondes avant de se faire méchamment chasser. Allez, bye bye ! Pourvu qu’on ne les y reprenne pas.

Quelques mots sur la CGT, qui a d’abord refusé de laisser passer une foule qui reculait face à une charge, contraignant certain.es compagnon.nes à rester dans le champ de tir des keufs et à étouffer dans les gaz, serré.es comme des sardines. On n’oubliera pas. Puis ils ont choisi d’essayer de quitter la manif, car ils « n’y arriveront pas », alors que c’était toujours la guerre urbaine. Nous disons « essayer » car c’était sans compter les camarades qui s’asseyait sur leur capôt ou celleux qui s’en sont pris à leurs vitres. Ils ont été taxés de tous les noms, surtout de « traîtres », ce qui a failli les faire changer d’avis… mais non lol ! Nous n’en attendions pas moins, et leurs pratiques ne viennent pas briser notre confiance en eux, déjà inexistante.Retour ligne automatique
Une soixantaine d’interpellations pour une vingtaine de placements en garde-à-vue, mais de belles contre-charges, barricades, au moins 7 voitures brûlées, et agence bancaires et immobilières complètement hors service. Nous exprimons notre solidarité envers tous.tes les personnes arrêtées samedi. Si certain.es d’entre vous sortent du comico ou du tribunal avec une convocation ou une date de procès, n’hésitez pas à nous contacter pour qu’on prépare tout ça ensemble.

Quelques remarques ici encore :

Le principal problème que nous pouvons identifier pendant cette manif, c’est l’accumulation des mouvements de foule. A chaque gazage, à chaque approche des flics, il y avait des mouvements de foule difficiles à supporter. Les gens s’écrasaient les un.es sur les autres, le long des bâtiments et des barrières. Rappelons que les mouvements de foule créent davantage de stress, ce qui accentue l’effet des lacrymos. Pendant ces mouvements de foule, les camarades en première ligne n’ont aucune échappatoire, et subissent la pression policière de plein fouet. Beaucoup d’arrestations ont lieu dans ces moments de confusion. Nous tasser ne les empêchera pas d’aller au corps à corps s’ils en ont l’ordre et les charges policières ne vont pas systématiquement à notre contact. Avant de prendre la fuite, prenons le temps d’analyser la situation, si les flics courent toujours ou s’ils se sont arrêtés. Parfois, un bond offensif d’une dizaine de mètres leur permet de prendre du terrain simplement en nous faisant peur.

Si vraiment les flics vont au contact, faisons face ! Cela permet de mieux se protéger ou d’esquiver leurs coups, et d’éviter de se prendre un coup derrière la tête. Pour nous rassurer, nous pouvons penser à porter un casque. Casque de chantier, casque de vélo, casquette renforcée, tout est bon pour se mettre en confiance.

Quand des barricades sont apparues ou que des banderoles ont été déployées, même scénario, les camarades se sont rapidement retrouvés tout.es seul.es, tout le monde ayant fui à l’approche des flics. Les banderoles servent à nous protéger des charges, des caméras et des armes de la police. Elles arrêtent les tirs de LBD, de grenades, et constituent un rempart efficace avec lequel nous devons nous montrer solidaires. Evitons de créer des trous entre les banderoles et le reste du cortège, aggrégeons-nous derrière elles !

Les tirs de gaz ont eu lieu tout au long de la manif et plein de gens étaient en PLS. Face aux lacrymos, protégeons-nous avec des masques respiratoires de type FFP2 ou FFP3 et des masques de plongée, et respirons peu et doucement. Ne nous touchons pas les yeux, mouchons-nous et crachons.

Nous avons pu constater que les fumigènes ralentissent et gênent le travail des flics. Les recouvrir de fumée gêne leur compréhension de la situation et leur champ de tir. Inondons-les !

Nous avons vu plusieurs tirs de flashball en pleine tête. Pensons à nous protéger les yeux avec des masques de chantier ou de plongée qui englobe l’arcade ! Samedi, les fouilles aux entrées du dispositifs ne concernaient que les sacs. Quand les flics canardent au LBD, on peut aussi penser à entourer notre tête de nos bras pour se protéger davantage, un LBD dans le bras sera toujours moins grave qu’un LBD dans la tête.

Concernant les journalistes, dès le soir de la manif, les vidéos de camarades en action se sont déversées sur les réseaux sociaux, avec des images parfois franchement comprometantes. Nous devons nous montrer solidaire de toutes les actions du cortège, par exemple en les couvrant davantage, soit en empêchant directement les journalistes de filmer, soit en nous protégeant les un.e les autres avec des parapluies !

Nous tenons à revenir sur la composition du cortège, car même si on est ravi.es de voir autant de gens motivé.es à prendre part activement à la manif, on ne souhaite pas manifester avec n’importe qui. Nous avons relevé de nombreux comportements machos et virilistes, que ce soit ceux qui nous bousculent quand rien ne se passe ou ceux qui tentent de nous remettre à notre place de meufs ou assimilé.es, c’est-à-dire derrière, quand nous sommes à l’avant. La rue est à nous aussi, nous sommes féministes, déter, et nous nous battons contre le rôle genré et passif auquel on nous assigne. Quant aux slogans putophobes et sexistes « Les putes à Macron » et « Macron, on t’encule », ils ne seront jamais les nôtres. Nous réaffirmons notre solidarité envers les travailleur.euses du sexe et rappelons qu’ielles sont attaqué.es quotidiennenment, quant ielles ne sont pas assassiné.es, toujours dans l’indifférence générale, y compris celle des flics. Nous réaffirmons qu’aucune pratique sexuelle n’est dégradante en soi. Nous ferons usage de notre corps comme bon nous semble. Que ce soit pour enculer quelqu’un.e / nous faire enculer si on en a envie, ou pour se réapproprier, dans la rue et partout ailleurs, la violence qu’on nous confisque toujours.

Info importante, nous avons eu plusieurs retours ces derniers jours, d’identifications de camarades sur simple prise photo. Lors de contrôles, des flics ont pris des camarades en photo, et ont pu retrouver leur identité sans que les camarades ne l’aient donnée. Il semble que cela ne concerne que les camarades ayant déja accepté d’être pris.e en photo lors de précédentes garde-à-vue, ou ayant une fiche dans le TAJ (traitement des antécédents judiciaires). Un argument de plus pour refuser la signalétique, c’est-à-dire, d’être pris.e en photo et de donner nos empreintes en garde-à-vue ! Nous pouvons également refuser de baisser notre masque Covid pendant un contrôle, ce qui empêchera les flics de nous prendre en photo. Cette pratique policière est assez récente et permise justement par la Loi Sécurité globale, qui autorise les flics à envoyer en temps réel le contenu de leurs téléphones et caméras au poste de police, qui leur transmet en direct l’information de l’identité de la personne.

Contre le fichage policier, pour des cortèges féministes et vener,
Continuons la lutte contre la Loi Sécurité Globale !

Face à la police, défendons-nous dans la rue, toutes et tous ensemble !

On en profite pour vous inviter à un petit RDV sympa. Pour apprendre à gérer son stress face aux flics, à se déplacer de manière solidaire dans la rue et à se défendre en manif, on se retrouve le jeudi 17 décembre à 18h, au 39 rue des deux communes à Montreuil pour un atelier de déplacement collectif. Venez en tenue confortable, la session durera entre 2h et 3h.

Pour nous rejoindre RDV à notre réunion ouverte et publique tous les dimanche 17h30 au 23 rue du docteur potain (dans la petite ruelle), dans le 20e, métro Télégraphe.

Pour nous contacter : defensecollective-pb@riseup.net
Fb : Défense collective Paris Banlieues
Twitter : defensecopb

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Analyse de la manif du 28 novembre 2020 contre la Loi Sécurité Globale

Ce compte-rendu n’a pas vocation à refléter l’entièreté ou la chronologie de la manif, mais cherche à revenir sur les tactiques de rue dans le but de continuer à développer ensemble notre défense face à la police. Comme tous les comptes rendus, il a été écrit d’un certain point de vue : celui de la défense collective comme pratique. Et se défendre ensemble, pour nous, ça commence dans la rue. Les analyses critiques sont écrites au passif pour des raisons que chacun.e peut imaginer mais en tant que manifestant.es nous cherchons à nous les appliquer d’abord à nous-mêmes. Lorsqu’un nous est utilisé, il l’est au sens des personnes présentes à cette manifestation.

Pour nous, cette manif sonne comme une victoire. A plusieurs reprises, des unités de différents corps de la police et de la gendarmerie ont été littéralement chassées de la rue, et se sont mis hors de nos vues. A plusieurs reprises, les flics étaient débordés, à bout, menaient des charges chaotiques, ne suivaient plus les ordres de leurs supérieurs, et avaient visiblement la trouille. Sur le chemin vers Bastille, l’intersection du Boulevard Beaumarchais avec la rue du Pasteur Wagner a été tenue pendant un petit bout de temps, à savoir jusqu’à l’arrivée des camions d’organisation qui constituaient la queue de cortège. Les flics ne pouvaient plus s’approcher, quand bien même des vitrines de banques, assurances et agences immobilières étaient ravagées et des voitures brûlées.

En passant, big up à l’offensivité des camarades présent.es. Ca faisait longtemps qu’une manif ne nous avait pas semblé aussi déter, équipée et prête à tenir la rue et à y faire ce qu’on a envie d’y faire, ça fait plaisir. Dans la rue à droite en arrivant sur Bastille, il a fallu une intervention massive des flics, déployés par dizaines, pour nous repousser et atteindre le milieu de la place.

Le gouvernement montre un signe de faiblesse et parle de « réécrire » l’article 24 sur la prise d’image de flics, celui dont on parle le plus. Pour nous, c’est un moyen de faire passer plus discrètement les autre mesures du projet de loi qui auront tout autant voire même plus de conséquences directes sur nos mouvements de révolte : la fin des réductions de peines de prison pour les camarades accusé.es d’avoir été violent.es contre les flics, la généralisation des drônes en manif, la possibilité pour les keufs d’être aussi vigiles et de porter une arme dans les lieux accueillant du public, la généralisation et la facilitation de l’exploitation des données des caméras mobiles des keufs etc. Gardons en tête que c’est l’ensemble de la loi sécurité globale qui est dangereuse et qu’il faut continuer la lutte jusqu’au bout, à savoir au pire le retrait total de la loi, au mieux la révolution avec « la tête de Darmanin sur une pique », comme ça a été tagué le 28 Novembre.

Ceci étant dit, quelques remarques :

C’est génial d’amener du matos, mais c’est bien aussi d’apporter les gants qui vont avec. On voit souvent des camarades mener des actions sans gants. Or il est courant que les flics ramassent toutes sortes de projectiles en fin de manif pour récolter les empreintes, voire l’ADN. On peut se retrouver, même plusieurs mois plus tard, inculpé.e dans des procès sur la seule base de nos empreintes ou de notre ADN alors pensons à nous protéger les mains !

De plus en plus de camarades ramènent des parapluies pour former des lignes devant les flics et là encore ça fait plaisir. On invite tout le monde à en ramener, ça prend pas beaucoup de place, c’est multifonction, ça permet de se protéger et de protéger les autres quand c’est nécessaire, autant des armes de la police que des flashs des paparazzis. Nous pourrions communiquer davantage entre nous pour mieux nous coordonner, pour former des lignes de parapluies en même temps et sur le même point de confrontation. On a vu aussi que les barrières de chantier pouvaient être très efficaces comme bouclier collectif, avec ou sans banderoles. De manière générale, tout ce qui fait écran entre les flics et nous est bon à prendre, et même si cela ne nous protège pas nous directement, cela protège peut-être des compagnon.nes qui s’activent quelques lignes derrière.

Globalement, nous pensons qu’il est possible de réfléchir en amont à nos stratégies. C’est déja ouf de prouver qu’il est possible de reprendre la rue, d’arriver à éloigner les flics et que leur prétendue supériorité n’est pas une fatalité, mais nous pensons que nous devrions réussir à le faire quand nous le souhaitons, avec un objectif précis en vue (par exemple, réussir à partir en sauvage dans une rue précise ou pour atteindre un quartier ou un bâtiment précis).

Nous souhaitons revenir rapidement sur les actes et les commentaires de la part de certains journalistes, organisateurs de la manif, qui se dissociaient délibérement de pratiques des camarades présent.es, voir les prenaient à parti. C’était à prévoir, nous ne sommes même pas déçu.es. Nous rappelons que nous serons toujours chaleureusement solidaires de toutes les pratiques, y compris celles qui débordent le cadre imposé dans la rue, que ce soit celui de la police, celui des organisateurs pacificateurs, ou de participant.es à la manif. Si des personnes qui participent activement à la manif au même titre que nous font des actions qui s’avèrent réellement problématiques, la solution pourrait être d’ouvrir des espaces de discussion séparés du moment de la rue, pour revenir dessus de manière critique sans qu’il y ait des embrouilles voire des bastons dans la rue, au moment ou les flics pourraient intervenir. A noter que le prix des dégâts de la manif joue toujours dans le rapport de force contre le gouvernement, le capital, et l’autorité.

A entendre parler les journalistes, il semble que cette lutte soit aussi un peu la leur, celle de la « liberté de la presse ». Nous pouvons nous demander si lorque les journalistes filment les violences policières et les flics en général, ils participent à cette lutte. Nous y participons sans doutes avec les pratiques qui nous semblent les plus efficaces et respectons les personnes qui n’ont pas les mêmes envies ou stratégies que nous. Cependant, lorsque les journalistes forment des haies devant les affrontements, qu’ils gênent la fuite de camarades poursuivies par les anti-émeutes, qu’ils diffusent des photos non-floutées de camarades en action, ils nous mettent en danger, et d’une certaine manière ils contribuent à la répression contre laquelle certain.es d’entre elles et eux prétendent lutter. Il leur est possible de sortir de leur positionnement comme élément neutre, objectif, extérieur à la conflictualité sociale et de nous aider à repousser les flics sur-armés qui tentent d’encadrer et de nuir à nos mobilisations.Retour ligne automatique
En passant, big up aux camarades qui ont attaqué et détruit les caméras du boulevard en mettant le feu au système d’alimentation situé au pied du mât, ou en grimpant jusqu’au globe, c’était très stylé et nous espérons que cette pratique se généralise !

Aux personnes qui relancent les palets de lacrymo ou shootent dedans : essayons de le faire avec discernement. Le sens du vent permet de savoir dans quel sens éloigner les lacrymos sans que cela nuise à d’autres camarades. On voit plein de gens se précipiter sur les palets pour les éloigner mais tout le monde se rentre dedans et les palets font des allers-retour entre différentes parties du cortège. Nous pourrions prendre quelques secondes de plus pour que cela soit plus efficace et mieux nous coordonner par la parole. À noter, les nuages de lacrymos sont comme aspirés à proximité des feux, par les colonnes d’air chaud, et ça les dissipe naturellement. Dans le même genre, on se souvient de la manif en juin à Invalides, ou l’eau d’une borne à incendie permettait d’éteindre massivement les palets de lacrymo.Retour ligne automatique
Également, nous devrions faire plus attention lorsque nous lançons des projectiles. Plusieurs personnes se sont pris des morceaux de bitume, des bouteilles voire des pavés sur la tête. En général, ça ne sert pas à grand chose de lancer sur une cible qui se trouve à plus de 50m de distance. C’est potentiellement dangereux pour les autres camarades et ça gaspille les réserves.

Nous avons eu parfois l’impression que la moindre charge des flics, même si elles entraînaient souvent des contre-charges, entrainaient en premier lieu une cohue et une fuite un peu bordélique. Souvent les flics partaient de loin, mettaient du temps à nous rejoindre. Partir en courant, c’est créer des mouvements de foule, c’est perdre ses potes, c’est affoler les gens à l’arrière pour pas grand chose, c’est risquer que des gens tombent ou se fasse mal sur du mobilier, c’est souvent laisser les premières lignes un peu seules quand les flics arrivent au contact. Il est possible de mieux se tenir les un.es aux autres pour empêcher les arrestations de celles et ceux qui ne courent pas assez vite, et de mieux se coordonner pour éviter des débandades que les flics utilisent pour contrôler les foules.

On en profite pour inciter à diffuser les réflexes de défense face aux flics en cas de garde-à-vue. Parlons-en entre nous avant d’aller à la manif. On a vu plusieurs camarades passer en comparution immédiate ces derniers jours et qui avaient répondu aux questions des flics en garde-à-vue ou de l’enquête sociale au dépot, évidemment les juges les ont enfoncés. Face à la police, nous n’avons rien à déclarer ! (Vraiment rien, pas un mot quand on est en garde-à-vue à part éventuellement les éléments de base de notre identité.) N’hésitons pas à préparer collectivement les procès, c’est toujours plus simple d’être nombreux.euses et préparé.es devant les juges. Si ça vous dit, n’hésitez pas à nous contacter, on peut faire ça ensemble !

Défense Collective Paris-Banlieues

Pour nous rejoindre RDV à notre réunion ouverte à tous.tes, tous les dimanche à 17h30 au 23 rue du docteur potain métro Télégraphe sur la 11, dans le 20e !

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Bilan d’une année de défense collective

Cela fait un peu plus d’une année que la Défense Collective Paris-Banlieues existe et qu’on intervient dans les mouvements sociaux ! La DCPB est un groupe ouvert, c’est-à-dire qu’il n’y a pas besoin de nous connaître personnellement pour venir participer, et il nous semblait normal de partager avec celles et ceux que ça intéresse un bilan de nos activités durant ces 12 mois (et quelques).

Quand on a commencé à s’organiser ensemble pendant le mouvement des gilets jaunes, nous étions peu et venions d’horizons et de cultures politiques différentes. La seule chose qui nous reliait vraiment au niveau des pratiques à ce moment-là était notre présence aux manifs et notre envie de s’organiser pour les déborder ensemble. Notre rapport à la rue a beaucoup fluctué pendant toute cette année, mais nous avons réussi à revaloriser le fait de s’organiser pour descendre dans la rue ensemble, et nous défendre !

Une des premières chose qu’on a mis en place quand le groupe est devenu public, ce sont nos différentes formations, avec pour objectif de diffuser des pratiques face à la police et la justice en amont des arrestations, ce qui nous paraissait manquer un peu à Paris et alentours. En moyenne, on a réussi à organiser une formation sur la garde-à-vue et un déplacement collectif par mois (en comptant le temps du confinement). Malheureusement, toutes nos tentatives de collaborer avec d’autres collectifs ou individu.es pour ces formations-là ont échouées, même si on a pu effectivement travailler avec des collectifs sur d’autres questions cette année. Nous pensons que les guerres de territoires militants sont dommageables, alors on en profite pour leur/vous-rappeler qu’on est toujours chaud.es pour se coordonner/échanger/monter des projets ensemble !

La formation sur la GAV se veut une mise en commun de nos expériences individuelles en la matière. Nous ne sommes pas des juristes, et ça tombe bien : on avait envie que la question de la défense collective ne reste pas aux mains des avocat-es et soit appropriable par les personnes concernées par la répression. Nous sommes plusieurs à avoir eu affaire à la police et la justice, et, la première fois, on aurait bien aimé savoir comment faire, quoi dire (ou plutôt ne pas dire), d’où l’idée de ce partage d’expériences. Même si on est satisfait-e-s d’avoir eu pas mal de monde en formation juridique sur toute cette période, on aimerait maintenant travailler la forme de la formation, qui reste un peu trop verticale, et sur le mode prof/élève. Il y a, c’est sûr, une tension entre vouloir tout aborder pour ne pas laisser des camarades dans le doute sur un point, et faire l’impasse sur certains moments du parcours d’un-e gardé-e-à-vue pour privilégier le temps de discussion et l’échange. Sur le même thème, on a réussi à construire une brochure assez complète sur tout le parcours d’un.e gardé.e-à-vue, depuis chez soi jusqu’au tribunal, elle est disponible sur le blog, dans l’onglet « ressources ».

Nous avons organisé des sessions de déplacement collectif, d’abord à échéance fixe toutes les semaines, puis après une période de fatigue collective dû au mouvement contre la réforme des retraites, de façon plus espacées, quand des camarades prenaient l’initiative d’en animer. Nous considérons que la répression est une chaîne continue depuis la rue jusqu’au tribunal, en passant par le comico, et nous trouvons important d’intervenir sur tous ces espaces (et même en amont !). Les déplacements collectifs nous permettent d’apprendre à mieux gérer notre stress durant les manifs, à favoriser l’organisation collective et la solidarité sur la force individuelle, à nous faire confiance et à faire confiance à nos camarades pour ensuite bouger plus sereinement dans la rue. On a pu inventer nous-mêmes de nouveaux exercices suite à nos expériences mais aussi en apprendre de nouveaux en allant à des déplacements organisés par d’autres camarades.

Nous avons également co-animé un premier atelier autour du soin et de nos limites liées à la rue, qui a pu permettre à chacun.e de s’exprimer en petit groupe et ça nous a fait du bien. Certes ce n’était pas parfait, mais on va essayer de le re-travailler, notamment sur la gestion du temps et du rapport à l’autre.
On a beaucoup trainé au tribunal pour soutenir des camarades et leurs proches, pas autant qu’on aurait voulu car la rue prenait déjà pas mal d’énergie et était primordiale pour nous. Mais on a tout de même pu préparer ensemble plusieurs défenses avec des camarades qui devaient faire face à la justice, ou à des convocations aux flics, et contester quelques amendes.
On a essayé de diffuser, au moins en interne, une culture de la défense numérique permettant de communiquer entre nous et vers l’extérieur de façon plus sécurisée et sans que ça ne représente un poids trop lourd.
On a fait notre premier arpentage il y a peu, autour du livre “Se défendre” d’Elsa Dorlin, c’était chouette et on a pu voir qu’il fallait mieux gérer notre temps pour que le temps de lecture et le temps de restitution laissent aussi place au débat, et pour cela, peut-être choisir des bouquins/textes plus courts, ou bien s’attendre à ce que ça dure plus longtemps.
On a écrit plusieurs tracts et une brochure, toujours dans l’idée de diffuser des pratiques en manif ou au tribunal, également disponibles dans l’onglet « ressources ». Et on est même passé-e-s sur une webradio, le podcast ici.

On a été assez actif-ves durant le mouvement social de la fin de l’année dernière et du début d’année, moins durant le confinement. Beaucoup de manifs ont ponctué l’année : syndicales, féministes (mixte ou non-mixtes), anti-racistes ou autres, et on a aussi essayé autant que possible d’être sur les points de blocages.
Beaucoup de gens sont passés plus ou moins longtemps à nos réunions, on les remercie pour leurs apports dans nos reflexions ou l’aide apportée ! On peut dire que des dizaines de personnes ont contribué à construire la DCPB. On a pu tester différentes manières de faire nos réunions ou nos discussions, de faire attention à l’espace qu’on prend, à ce que les nouvelles personnes se sentent bienvenues et légitimes à participer, on a beaucoup discuté d’organisation et c’est très bien. Autant que possible, après chaque moment dans la rue nous nous retrouvons pour discuter de ce que nous avons vécu, de ce qui a pu être violent, de ce qui a fonctionné ou non. On a pu discuter de nos limites tant dans la rue que dans l’engagement militant, de notre rapport au groupe, et essayé, parfois trop tard car nous étions déjà épuisé-e-s, de retrouver un meilleur rapport à la lutte et au groupe politique. On a aussi pu échanger sur les pressions du milieu militant, des souffrances directement liées aux conflits de pouvoir, de position ou de légitimité entre groupes, et qu’on regrette. Mais aussi des rapports de pouvoir et de domination entre nous, sur lesquelles on a déjà pas mal travaillé et qu’on continuera à avoir en tête. On est toujours déter pour organiser des trucs avec les autres groupes, ça n’a pas toujours marché, mais on a fait des belles rencontres. Pour nous, on peut s’organiser ponctuellement sans être forcément potes, fonctionner ensemble pour apporter quelque chose d’utile aux mouvements sociaux.

Difficile de dire ce qu’on aimerait faire durant la prochaine année. On a tellement d’idées qu’on n’arrive pas à tout mettre en place, et c’est pas grave. Idéalement, on aimerait que plein de gens continuent de s’approprier la DCPB comme un outil et espace pour en faire ce qu’iels veulent. On est attaché-e-s à être un groupe ouvert, n’importe qui peut venir à nos réunions du dimanche soir et proposer de nouveaux trucs, on en discutera ensemble à partir de la rentrée. On a pu constater qu’être un groupe ouvert ça implique aussi de faire un travail sur l’accessibilité de la DCPB et sur l’inclusivité, notamment des personnes neuro-divergentes. Même si on a essayé de rendre les réunions et le déplacement collectif dans la rue les plus inclusifs possible, on est conscient-e que nos efforts ne sont pas suffisants jusqu’à maintenant, et on est prêt-e à prendre du temps pour faire ce qu’il faut pour permettre à chacun-e de participer aux activités du groupe selon ses envies. Enfin, étant donné toutes les choses enthousiasmantes qui nous attendent et qu’il y a à faire, on encourage nos camarades de ne pas hésiter à construire leurs propres groupes, de défense collective ou autres !

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Paris : compte rendu de la manif du 16 juin 2020

Ce texte a été intialement posté sur paris-lutte.info

Ce compte-rendu n’a pas vocation à refléter l’entièreté ou la chronologie de la manif, mais cherche à revenir sur les tactiques de rue dans le but de continuer à développer ensemble notre défense face à la police. Comme tous les comptes rendus, il a été écrit d’un certain point de vue, celui de la défense collective comme pratique, qui pour nous débute dans la rue. Les analyses sont écrites au passif pour des raisons que chacun.e peut imaginer mais en tant que manifestant.es nous cherchons à nous les appliquer d’abord à nous-mêmes. Lorsqu’un nous est utilisé, il l’est au sens des gens présents à cette manifestation.

La police attendait à la sortie du métro St François Xavier. Très rapidement, des camarades ont été mis de côté pour une fouille puis une interpellation, ce qui nous a rappelé la nécessité de rester aux aguets avant même les départs de cortèges, bien groupé.es. Lorsqu’ils veulent nous fouiller, on peut jouer des techniques d’évitement, que ce soit en évitant leur regard quand ils nous scrutent ou par le corps, en continuant d’une marche rapide et sans se retourner quand ils nous apostrophent. Cela peut, au moins, leur faire perdre leur temps et permettre à d’autres de passer sans encombre, au mieux nous permettre de réussir à éviter le contrôle.

Après un trajet très court (qui était prévu ainsi) la manifestation s’est retrouvée nassée de toutes parts sur l’esplanade des Invalides. Dès lors, il s’agissait de réussir à déjouer la nasse, créer des brèches dans un dispositif assez important afin de prolonger la manifestation vers ses objectifs initiaux ou simplement de réussir à partir sans être à nouveau fouillé.es et controlé.es, et d’éviter les interpellations qui interviennent souvent à cet instant.

Ce qu’on a pu remarquer d’intéressant, c’est l’usage de grands parapluies monochromes et sans taquet. Ils créent de la cohésion, protègent relativement des tirs de grenade et de LBD et, aglutinés, peuvent créer un rempart efficace contre la police qui peine à identifier et disperser les manifestant.es. On a aussi pu constater qu’une voiture retournée constitue un rempart un peu plus efficace qu’une banderole pour se protéger des charges.
Plusieurs techniques ingénieuses ont été trouvées sur le tas pour faire face aux tirs de grenades lacrymo : écraser les palets dans l’herbe ou les plonger dans l’eau de la bouche d’incendie ouverte miraculeusement juste derrière le point de tension. Certains palets on pu être éloignés des manifestants grâce à des gants adaptés aux fortes chaleurs trouvables en magasin de bricolage. Ces techniques ont permis de soulager un peu les manifestant.es et d’empêcher leur dispersion.
Un point essentiel reste la communication entre les personnes les plus proches du point de fixation, susceptibles d’être prises en tenaille par des brigades mobiles type BRAV, et les personnes plus éloignées, qui peuvent justement surveiller les mouvements de la police et avertir les premières lignes en cas de contournement. Il est préférable de vérifier visuellement une info avant de la crier à tout le monde, pour éviter le stress pour rien.

Pour tout cela, nous rappelons l’importance individuelle et collective d’empêcher son identification, que ce soit par le visage, les habits, ou les empreintes. Et que c’est possible de venir conseiller à un.e camarade inconnu.e et activ.e de porter des gants et un masque, tout en expliquant pourquoi. Le drône qui filmait tout du long pourrait probablement convaincre rapidement. Le noir n’est pas obligatoire, un vêtement sombre et monochrome fait l’affaire ! On peut garder en tête que soigner son style c’est autant de preuves en moins que la juge aura en sa possession pour nous foutre en taule. On a bien vu d’ailleurs par exemple que la camarade infirmière interpellée a pu être reconnue grâce à ses vêtements particulièrement reconnaissables sur d’autres images à d’autres moments de la manifestation.

La riposte immédiate après la première charge des BRAV a fait vaciller leur côté robocop et intouchable et a permis de briser l’ascendant psychologique qu’ils peuvent avoir sur les manifestations et donc limiter la peur ressentie. Presque toutes les charges policières ont essuyé une contre-charge manifestante, permettant d’éviter plusieurs interpellations et désorganisant leur gestion de la foule. Au bout d’un moment c’est même les manifestants qui menaient la danse et chargeaient en premier les forces de l’ordre, qui elles tentaient de réagir comme elles le pouvaient. C’est pour nous la preuve de notre capacité tactique : plusieurs fois, les tentatives d’encerclement de la BRAV ont échoué grâce à l’anticipation, la déter de chacun.e. Résultat, tous les corps de police ont pu être mis en échec à un moment de l’après-midi, même les fameux BRAV. Nous, sommes resté.es des heures sur l’esplanade et la police n’a pas si facilement réussi à nous faire quitter la rue, que nous étions heureux.ses de reprendre aux côtés des soignant.es qui nous avaient appelé.es depuis le confinement à descendre manifester avec elleux.

Petite pensée aux habituels virilistes qui incitent à aller devant, toujours plus devant, quitte à prendre des risques inutiles ou mal mesurés. Nous pensons au contraire qu’il est important de prendre notre temps face au danger, de lire calmement la situation, et d’en discuter collectivement. Contrairement à ce qui a pu été dit, non, « porter le noir » n’oblige personne à aller tout devant. Allons-y quand nous l’estimons nécessaire et utile, et surtout quand nous y sommes tous.tes prêt.es.

Pour finir, nous rappelons l’importance de discuter après la manifestation avec nos camarades de ce qu’on a vécu, non seulement parce que nous vivons des expériences violentes, mais aussi pour analyser nos erreurs potentielles et nos comportements. Nous pensons que cette manifestation est globalement une réussite et affirmons notre soutien inconditionnel à tous.tes les camarades interpellé.es.

Si jamais vous passez en procès (pour cette manifestation ou une autre) n’hésitez pas à nous contacter par mail (defensecollective-pb@riseup.net) pour lire votre dossier et préparer ensemble la défense.

La Défense Collective Paris – Banlieues

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Et si on essayait de se défendre ensemble ?

Ce texte a été initalement publié le 7 janvier sur le site paris-luttes.info sous le titre « S’organiser pour se défendre ensemble »

Suite aux constats posés par l’article qui a été publié le 23 décembre sur Paris-luttes.info et qui titre « Et si on essayait d’être à la hauteur ? », la Défense collective Paris Banlieue souhaite rebondir sur certaines idées qui font écho à des questions que nous travaillons, et en approfondir d’autres depuis nos perspectives politiques.

Un texte de la Défense Collective Paris Banlieue.

Suite aux constats posés par l’article qui a été publié le 23 décembre sur Paris-luttes.info et qui titre « Et si on essayait d’être à la hauteur ? », la Défense collective Paris Banlieue souhaite rebondir sur certaines idées qui font écho à des questions que nous travaillons, et en approfondir d’autres depuis nos perspectives politiques.
Avant de commencer, nous souhaitons à nos camarades [1] gagné.es par le spleen militant récurrent qu’ils gardent l’espoir et la rage. Beaucoup de choses sont à construire, mais nous y arriverons !

Construire l’autonomie : s’organiser, au-delà de nos cercles d’amis, pour des objectifs communs.

Nous sommes d’accord que la composante autonome, aussi diverse et hétéroclite soit-elle, est encore loin de pouvoir établir ses propres stratégies politiques, ce qui lui permettrait de devenir actrice à part entière du mouvement social. C’est-à-dire, en particulier, une actrice qui ne serait plus dépendante des centrales syndicales et serait en capacité de poser son propre agenda de mobilisation. Pour en arriver là, nous pensons que nous pouvons procéder par étapes intermédiaires que l’on va tenter de détailler.

Ça fait quelques temps que les groupes organisés se font rares (ou alors discrets) sur Paris. Donc pour commencer, ça peut paraître banal voire idiot, mais n’hésitons pas à monter des collectifs. Selon nous, « monter un groupe » c’est avant tout se retrouver sur des objectifs communs, une volonté partagée de répondre à un besoin politique, et d’y répondre à partir d’une certaine conception de l’intervention. Ça peut être aussi identifier un ennemi, et mettre en place une stratégie pour l’affronter et le mettre à mal.
S’il nous parait important de développer cette organisation de groupes plutôt que de privilégier des mobilisations individuelles sur les manifs ou les points de blocages, c’est parce que la répression s’abat plus facilement sur des individus isolés que sur des groupes solidaires, et que la structure de groupe permet de diffuser plus efficacement les savoirs et savoirs-faire, donc de se protéger de la police et de la justice.

Dans cette optique d’organisation et de structuration, trois éléments nous semblent importants à souligner.
D’abord, peu importe s’il existe déjà un groupe qui semble faire la même chose que ce qu’on veut faire. Il est probable que notre approche soit différente et complémentaire de celles des autres groupes. Se reconnaître et se rencontrer peut nous permettre d’avancer ensemble sur les questions qu’on travaille. Et surtout, il serait illusoire de penser qu’un seul groupe pourrait répondre à lui seul à un besoin politique, dans un territoire aussi étendu et animé que le nôtre. En ce qui nous concerne, nous souhaitons vivement connaître ce moment où de nombreux groupes qui partagent de mêmes objectifs fleuriront, ça sera justement le signe de notre progression. Nous pensons donc qu’il est bénéfique d’encourager la camaraderie au delà de nos collectifs, c’est-à-dire l’entraide entre groupes ou individus qui se retrouvent sur des bases politiques communes larges.

Ensuite, il règne dans la capitale une culture de la screditude parfois excessive qui nous empêche de gagner en puissance. Par la crainte de la répression, l’État nous pousse à nous enfermer dans la clandestinité pour nous y piéger comme des lapins. Il nous paraît important de sortir de cet engrenage dans lequel nous nous auto-invisibilisons, de démocratiser nos pratiques pour qu’elles se diffusent, et les rendre publiques en est une manière. Il nous apparaît nécessaire, une fois nos objectifs de groupe définis, de casser une certaine culture de l’entre-amis, dans les limites des risques que l’on prend. Briser l’isolement de nos camarades qui cherchent à s’organiser et se heurtent à l’affinitaire ou à une sorte de vide politique, à notre sens, c’est déjà commencer la politique. Ce n’est en rien perdre en efficacité. Rompre avec cette barrière qui fait qu’on doit gratter l’amitié pour enfin s’organiser, c’est à la fois tenter de se faire confiance, gagner en force, et inclure les personnes de fait exclues des cercles de sociabilité politiques pour ce qu’elles sont. C’est rompre avec des logiques d’autorité en s’ouvrant à celleux qui, dans des contextes affinitaires, auraient des difficultés à s’investir dans la lutte, afin qu’ielles puissent s’organiser au même titre que les autres.

Enfin, permettre à toustes de nous rejoindre ce n’est pas ignorer les risques répressifs, mais adapter les précautions au niveau de risque que l’on veut prendre. Il est impératif de nous protéger les un.es les autres en nous refilant des astuces de défense collective contre les flics et contre la justice qui soient valables pour toustes. Par ailleurs, multiplier des groupes aux objectifs similaires, c’est diluer les responsabilités, tant sur le plan de la charge de travail que sur le plan judiciaire, bref c’est déja commencer à lutter contre l’épuisement individuel et surtout contre la repression.

Repenser et réapprendre la rue : contre la peur, défense collective

Les manifs sont des moments riches, d’élans collectifs, d’euphories ou de rages, qui peuvent avoir une portée stratégique. La question à se poser, c’est celle de l’objectif à atteindre : la manif, même sauvage, le débordement, est un outil qu’il est possible de penser collectivement pour réaliser nos objectifs, selon ce qui nous semble necessaire pour le mouvement. Nous ne pouvons pas l’abandonner. Bien sûr, les blocages et les piquets de grève sont un autre moment propice à nos interventions, sur lesquels nous pouvons essayer, là aussi, de réaliser des objectifs définis à l’avance pour ne plus être réduits à un rôle passif. À la proposition de délaisser la rue à cause de la répression, nous préférons réapprendre à nous organiser en conséquence. Selon nous, la répression s’articule autour de trois élements liés entre eux : la peur et la guerre psychologique, la violence physique, les arrestations et les conséquences juridiques.

Pour combattre la peur de la répression, nous pensons qu’il est possible de l’aborder de façon rationnelle : les flics ne savent pas tout, ne sont ni omniscients, ni tout-puissants. Une forme de guerre psychologique opère depuis un petit moment, sur la base d’une crainte du renseignement, de chiffres policiers et d’annonces de dispositifs monstrueux et démobilisateurs (« la moitié des forces de police déployées sur la capitale », « 10 000 policiers mobilisés sur une journée de mobilisation ») mais souvent mensongers, ou encore de stratégie de maintien de l’ordre spécifiques (corps à corps, à distance). On peut aussi évoquer l’apparition récente de nouvelles unitées de flics dont la seule présence semble nous démoraliser. Nous pouvons apprendre à ne pas nous décourager de tenter quoi que ce soit sur la base des annonces de la préfecture. Le collectif prend tout son sens pour combattre la peur et le stress de la répression, grâce aux partages d’expériences et de savoir qu’il permet : être solidaires entre nous et prévoir l’antirep avant qu’elle n’intervienne dans nos vies, former des binômes de peurs et d’envies similaires ou au contraire des binômes d’apprentissage, permettre à toustes de réapprendre à se confronter à nos limites tout en instaurant des gardes-fous organisationnels qui permettent que nous nous sentions toustes bien dans la rue.

Ensuite, pour repenser ou retrouver notre capacité d’intervention en manif, nous pensons qu’il est incontournable d’apprendre à se défendre ensemble. Quand le dispositif nous dresse et nous encadre, nous sommes toustes d’accord pour dire que le déborder est essentiel. C’est difficile, mais nous pouvons l’organiser.
D’abord, il faut nous protéger contre les armes de la police, en démocratisant par tous les moyens le matériel de protection. Cela nous permettra de diminuer les risques de blessures graves, donc de retrouver une capacité d’intervention, tout en diminuant les risques juridiques pour les personnes qui se font arrêter avec ces éléments de protection.
Ensuite, nous pouvons transformer les situations de panique et d’instabilité qui produisent le contexte parfait pour les interpellations en des mouvements de foule solidaires et tactiques, par la parole, par les gestes. Nous avons souvent du mal à nous retrouver dans la masse des cortèges parisiens, donnons-nous de la visibilité, sans pour autant tomber dans le piège de l’uniforme ou de l’assignation à une place spécifique. Il faut peut-être que parfois nous soyons capables de quitter l’avant du cortège pour retrouver un élan stratégique ailleurs. Nous pouvons aussi élaborer des stragégies collectives créatives pour brouiller nos identifications, qui constituent tout un axe de la guerre judiciaire.

Essayons de réaliser nos objectifs, même s’ils ne sont pas immédiatement aussi poussés qu’on aimerait. On peut, par exemple, commencer par essayer de rester ensemble tout le long de la manif, de combattre nos peurs et d’y aller progressivement en retrouvant confiance en nous, de ne pas céder à la dispersion prématurée ou instantanée. Nous devons apprendre à gérer la violence physique de la police collectivement, à l’absorber et à l’empêcher toustes ensemble, sans culpabilisation pour le care que ça implique, ni négation virile de la souffrance, par exemple avec des moments de débrief collectif après certains moments difficiles ou violents. Tout cela pour permettre de démocratiser le plus possible la participation à la défense des cortèges et blocages du mouvement.

Enfin, l’arrestation et le passage par le tribunal sont devenus des risques inhérents à toute intervention dans la rue. Là encore, il est possible non seulement de limiter les arrestations, mais de s’y préparer collectivement. Se former et former les autres au déroulement d’une garde-à-vue et d’un procès, par voie orale ou par écrit, peut nous permettre de limiter très fortement l’impact de la répression sur nos vies. Se former peut nous permettre également de lutter contre la dissociation entre bon.nes et mauvais.es manifestant.es, contre la poukaverie et la justice fondée sur le profil social, en appliquant des stratégies collectives pour briser l’isolement et les stratégies policières et judiciaires. Encore une fois, n’attendons pas notre arrestation pour nous préoccuper d’antirépression, défendons-nous ensemble, en amont de la rue, dans la rue, et jusqu’au tribunal.

La Défense collective Paris-Banlieue.

Pour nous contacter : defensecollective-pb@riseup.net

Notes

[1Si nous utilisons le terme de camarade, plutôt que ceux d’ami-e ou de copain-e plus souvent employés, c’est parce que nous pensons que nous n’avons pas besoin d’être forcément ami-es pour lutter ensemble 🙂

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S’organiser pour se défendre collectivement

Notre but est de nous organiser face à la police et à la justice en diffusant des pratiques de défense collective dans les espaces de lutte. Notre perspective est de proposer un autre cadre que la lutte affinitaire. C’est pour cette raison que nous avons choisi de nous constituer en groupe public et ouvert à celles et ceux qui veulent y prendre part. Nous vous invitons à nous rejoindre, tous les dimanches à 18h au local de La Fabrik, au 23, rue du docteur Potain dans le 19e, métro Télégraphe ou Place des Fêtes (la grille d’entrée se situe dans la rue Jean Quarré, interphone « La Fabrik »).

Nous participons nous-mêmes aux mouvements sociaux et avons pu être gardé·e·s à vue, prévenu·e·s ou inculpé·e·s. Nous souhaitons apprendre à déconstruire la peur qu’on intègre parfois au fil de nos expériences de lutte, sans la nier, et nous pensons que cela peut passer par la construction collective d’un rapport rationnel à la répression et par la diffusion d’une culture de la défense. Nos expériences personnelles transformées en savoirs collectifs sont des outils dans le rapport de force qui nous permettra d’obtenir des victoires.
Nous sommes conscient·e·s que la police et la justice sont deux institutions de répression de classe, racistes et sexistes. C’est parce que nous prenons en compte que nous ne sommes pas égales et égaux pour se défendre face aux flics et aux juges que nous voulons travailler à ce que les stratégies de défense soient inclusives et réappropriables par toutes et tous.

Nous considérons que la répression de nos luttes prend la forme d’une chaîne pénale continue entre la rue et le tribunal en passant par la garde à vue. Nous intervenons donc dans ces espaces.

Pour nous, la défense collective doit intervenir avant que la peine ne soit prononcée par le juge. Nous organisons des formations juridiques (depuis la maison jusqu’au tribunal en passant par la garde à vue), pour être mieux armé·e·s face aux manœuvres des flics pour nous faire parler et aux procédures judiciaires rapides comme la comparution immédiate. Les flics nous veulent collaboratives et bavard·e·s, ne leur donnons rien qu’ils puissent ajouter à nos dossiers ou à ceux de nos camarades.
Nous proposons aussi des ateliers de déplacement collectif pour apprendre à déconstruire ses peurs, diffuser des réflexes de cohésion dans la rue, et diminuer les risques de blessures et d’interpellations. Les flics nous veulent individualistes et arrêtent plus facilement les personnes isolé·e·s. Face à eux, nos conditions physiques individuelles ne pourront rien, apprenons ensemble à nous défendre sans virilisme !
N’hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin d’une formation pour votre groupe ou espace de mobilisation, sur votre lieu de blocage, d’études ou avant une action ou une manifestation.

Dans la lignée de nos objectifs de formations au déplacement collectif, nous sommes présent·e·s dans les manifs, sur les actions et blocages dans le but de diffuser des pratiques de défense et participer à créer un cadre propice à la diversité des actions. Nous pensons qu’il est possible d’élaborer des stratégies concrètes permettant de dépasser le cadre instauré par l’ordre, quel qu’il soit. Mais ces stratégies ne doivent pas rester l’apanage d’un groupe professionnalisé de militant·e·s, nous pensons qu’elles doivent être réappropriables par toutes et tous. C’est pourquoi nous travaillons à inclure les limites et les peurs de chacun·e et à inventer des rôles pour toutes et tous dans la rue. Nous veillons également à instaurer des moments de débrief constructifs après des moments de tension et des espaces de parole après des moments difficiles psychologiquement ou physiquement.

Au tribunal, nous sommes présent·e·s pour accompagner les prévenu·e·s qui le désirent. Vous pouvez nous contacter si vous avez une date de procès à venir. Nous proposons des lectures collectives de dossiers par intelligence collective, ce qui permet un retour critique sur les failles de nos pratiques dans la rue. Nous réfléchissons ensemble les axes de défense, enrichis par nos expériences pénales passées et nous préparons collectivement au passage devant le juge. Nous souhaitons également bosser sur le rapport aux avocat·e·s ensemble pour sortir du rapport de dépendance et de sacralisation face aux expert·e·s du droit, avocat·e·s ou militant·e·s, en débattant collectivement de nos défenses, même si la personne prévenue aura toujours le dernier mot.
Notre objectif est de contrer les défenses basées sur la délation, la coopération, la dissociation entre bon·ne·s et mauvais·e·s manifestant·e·s, mais aussi les défenses basées sur la stigmatisation de tel ou tel groupe social ou politique. Défendons-nous, mais pas au détriment des autres ! Nous voulons mettre à mal le profilage judiciaire et policier qui ne fait que nous isoler et faciliter l’action répressive sur certain·e·s.

De la rue aux tribunaux, apprenons ensemble à nous défendre collectivement !

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