Bilan d’une année de défense collective

Cela fait un peu plus d’une année que la Défense Collective Paris-Banlieues existe et qu’on intervient dans les mouvements sociaux ! La DCPB est un groupe ouvert, c’est-à-dire qu’il n’y a pas besoin de nous connaître personnellement pour venir participer, et il nous semblait normal de partager avec celles et ceux que ça intéresse un bilan de nos activités durant ces 12 mois (et quelques).

Quand on a commencé à s’organiser ensemble pendant le mouvement des gilets jaunes, nous étions peu et venions d’horizons et de cultures politiques différentes. La seule chose qui nous reliait vraiment au niveau des pratiques à ce moment-là était notre présence aux manifs et notre envie de s’organiser pour les déborder ensemble. Notre rapport à la rue a beaucoup fluctué pendant toute cette année, mais nous avons réussi à revaloriser le fait de s’organiser pour descendre dans la rue ensemble, et nous défendre !

Une des premières chose qu’on a mis en place quand le groupe est devenu public, ce sont nos différentes formations, avec pour objectif de diffuser des pratiques face à la police et la justice en amont des arrestations, ce qui nous paraissait manquer un peu à Paris et alentours. En moyenne, on a réussi à organiser une formation sur la garde-à-vue et un déplacement collectif par mois (en comptant le temps du confinement). Malheureusement, toutes nos tentatives de collaborer avec d’autres collectifs ou individu.es pour ces formations-là ont échouées, même si on a pu effectivement travailler avec des collectifs sur d’autres questions cette année. Nous pensons que les guerres de territoires militants sont dommageables, alors on en profite pour leur/vous-rappeler qu’on est toujours chaud.es pour se coordonner/échanger/monter des projets ensemble !

La formation sur la GAV se veut une mise en commun de nos expériences individuelles en la matière. Nous ne sommes pas des juristes, et ça tombe bien : on avait envie que la question de la défense collective ne reste pas aux mains des avocat-es et soit appropriable par les personnes concernées par la répression. Nous sommes plusieurs à avoir eu affaire à la police et la justice, et, la première fois, on aurait bien aimé savoir comment faire, quoi dire (ou plutôt ne pas dire), d’où l’idée de ce partage d’expériences. Même si on est satisfait-e-s d’avoir eu pas mal de monde en formation juridique sur toute cette période, on aimerait maintenant travailler la forme de la formation, qui reste un peu trop verticale, et sur le mode prof/élève. Il y a, c’est sûr, une tension entre vouloir tout aborder pour ne pas laisser des camarades dans le doute sur un point, et faire l’impasse sur certains moments du parcours d’un-e gardé-e-à-vue pour privilégier le temps de discussion et l’échange. Sur le même thème, on a réussi à construire une brochure assez complète sur tout le parcours d’un.e gardé.e-à-vue, depuis chez soi jusqu’au tribunal, elle est disponible sur le blog, dans l’onglet « ressources ».

Nous avons organisé des sessions de déplacement collectif, d’abord à échéance fixe toutes les semaines, puis après une période de fatigue collective dû au mouvement contre la réforme des retraites, de façon plus espacées, quand des camarades prenaient l’initiative d’en animer. Nous considérons que la répression est une chaîne continue depuis la rue jusqu’au tribunal, en passant par le comico, et nous trouvons important d’intervenir sur tous ces espaces (et même en amont !). Les déplacements collectifs nous permettent d’apprendre à mieux gérer notre stress durant les manifs, à favoriser l’organisation collective et la solidarité sur la force individuelle, à nous faire confiance et à faire confiance à nos camarades pour ensuite bouger plus sereinement dans la rue. On a pu inventer nous-mêmes de nouveaux exercices suite à nos expériences mais aussi en apprendre de nouveaux en allant à des déplacements organisés par d’autres camarades.

Nous avons également co-animé un premier atelier autour du soin et de nos limites liées à la rue, qui a pu permettre à chacun.e de s’exprimer en petit groupe et ça nous a fait du bien. Certes ce n’était pas parfait, mais on va essayer de le re-travailler, notamment sur la gestion du temps et du rapport à l’autre.
On a beaucoup trainé au tribunal pour soutenir des camarades et leurs proches, pas autant qu’on aurait voulu car la rue prenait déjà pas mal d’énergie et était primordiale pour nous. Mais on a tout de même pu préparer ensemble plusieurs défenses avec des camarades qui devaient faire face à la justice, ou à des convocations aux flics, et contester quelques amendes.
On a essayé de diffuser, au moins en interne, une culture de la défense numérique permettant de communiquer entre nous et vers l’extérieur de façon plus sécurisée et sans que ça ne représente un poids trop lourd.
On a fait notre premier arpentage il y a peu, autour du livre “Se défendre” d’Elsa Dorlin, c’était chouette et on a pu voir qu’il fallait mieux gérer notre temps pour que le temps de lecture et le temps de restitution laissent aussi place au débat, et pour cela, peut-être choisir des bouquins/textes plus courts, ou bien s’attendre à ce que ça dure plus longtemps.
On a écrit plusieurs tracts et une brochure, toujours dans l’idée de diffuser des pratiques en manif ou au tribunal, également disponibles dans l’onglet « ressources ». Et on est même passé-e-s sur une webradio, le podcast ici.

On a été assez actif-ves durant le mouvement social de la fin de l’année dernière et du début d’année, moins durant le confinement. Beaucoup de manifs ont ponctué l’année : syndicales, féministes (mixte ou non-mixtes), anti-racistes ou autres, et on a aussi essayé autant que possible d’être sur les points de blocages.
Beaucoup de gens sont passés plus ou moins longtemps à nos réunions, on les remercie pour leurs apports dans nos reflexions ou l’aide apportée ! On peut dire que des dizaines de personnes ont contribué à construire la DCPB. On a pu tester différentes manières de faire nos réunions ou nos discussions, de faire attention à l’espace qu’on prend, à ce que les nouvelles personnes se sentent bienvenues et légitimes à participer, on a beaucoup discuté d’organisation et c’est très bien. Autant que possible, après chaque moment dans la rue nous nous retrouvons pour discuter de ce que nous avons vécu, de ce qui a pu être violent, de ce qui a fonctionné ou non. On a pu discuter de nos limites tant dans la rue que dans l’engagement militant, de notre rapport au groupe, et essayé, parfois trop tard car nous étions déjà épuisé-e-s, de retrouver un meilleur rapport à la lutte et au groupe politique. On a aussi pu échanger sur les pressions du milieu militant, des souffrances directement liées aux conflits de pouvoir, de position ou de légitimité entre groupes, et qu’on regrette. Mais aussi des rapports de pouvoir et de domination entre nous, sur lesquelles on a déjà pas mal travaillé et qu’on continuera à avoir en tête. On est toujours déter pour organiser des trucs avec les autres groupes, ça n’a pas toujours marché, mais on a fait des belles rencontres. Pour nous, on peut s’organiser ponctuellement sans être forcément potes, fonctionner ensemble pour apporter quelque chose d’utile aux mouvements sociaux.

Difficile de dire ce qu’on aimerait faire durant la prochaine année. On a tellement d’idées qu’on n’arrive pas à tout mettre en place, et c’est pas grave. Idéalement, on aimerait que plein de gens continuent de s’approprier la DCPB comme un outil et espace pour en faire ce qu’iels veulent. On est attaché-e-s à être un groupe ouvert, n’importe qui peut venir à nos réunions du dimanche soir et proposer de nouveaux trucs, on en discutera ensemble à partir de la rentrée. On a pu constater qu’être un groupe ouvert ça implique aussi de faire un travail sur l’accessibilité de la DCPB et sur l’inclusivité, notamment des personnes neuro-divergentes. Même si on a essayé de rendre les réunions et le déplacement collectif dans la rue les plus inclusifs possible, on est conscient-e que nos efforts ne sont pas suffisants jusqu’à maintenant, et on est prêt-e à prendre du temps pour faire ce qu’il faut pour permettre à chacun-e de participer aux activités du groupe selon ses envies. Enfin, étant donné toutes les choses enthousiasmantes qui nous attendent et qu’il y a à faire, on encourage nos camarades de ne pas hésiter à construire leurs propres groupes, de défense collective ou autres !

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