Analyse de la manif du 28 novembre 2020 contre la Loi Sécurité Globale

Ce compte-rendu n’a pas vocation à refléter l’entièreté ou la chronologie de la manif, mais cherche à revenir sur les tactiques de rue dans le but de continuer à développer ensemble notre défense face à la police. Comme tous les comptes rendus, il a été écrit d’un certain point de vue : celui de la défense collective comme pratique. Et se défendre ensemble, pour nous, ça commence dans la rue. Les analyses critiques sont écrites au passif pour des raisons que chacun.e peut imaginer mais en tant que manifestant.es nous cherchons à nous les appliquer d’abord à nous-mêmes. Lorsqu’un nous est utilisé, il l’est au sens des personnes présentes à cette manifestation.

Pour nous, cette manif sonne comme une victoire. A plusieurs reprises, des unités de différents corps de la police et de la gendarmerie ont été littéralement chassées de la rue, et se sont mis hors de nos vues. A plusieurs reprises, les flics étaient débordés, à bout, menaient des charges chaotiques, ne suivaient plus les ordres de leurs supérieurs, et avaient visiblement la trouille. Sur le chemin vers Bastille, l’intersection du Boulevard Beaumarchais avec la rue du Pasteur Wagner a été tenue pendant un petit bout de temps, à savoir jusqu’à l’arrivée des camions d’organisation qui constituaient la queue de cortège. Les flics ne pouvaient plus s’approcher, quand bien même des vitrines de banques, assurances et agences immobilières étaient ravagées et des voitures brûlées.

En passant, big up à l’offensivité des camarades présent.es. Ca faisait longtemps qu’une manif ne nous avait pas semblé aussi déter, équipée et prête à tenir la rue et à y faire ce qu’on a envie d’y faire, ça fait plaisir. Dans la rue à droite en arrivant sur Bastille, il a fallu une intervention massive des flics, déployés par dizaines, pour nous repousser et atteindre le milieu de la place.

Le gouvernement montre un signe de faiblesse et parle de « réécrire » l’article 24 sur la prise d’image de flics, celui dont on parle le plus. Pour nous, c’est un moyen de faire passer plus discrètement les autre mesures du projet de loi qui auront tout autant voire même plus de conséquences directes sur nos mouvements de révolte : la fin des réductions de peines de prison pour les camarades accusé.es d’avoir été violent.es contre les flics, la généralisation des drônes en manif, la possibilité pour les keufs d’être aussi vigiles et de porter une arme dans les lieux accueillant du public, la généralisation et la facilitation de l’exploitation des données des caméras mobiles des keufs etc. Gardons en tête que c’est l’ensemble de la loi sécurité globale qui est dangereuse et qu’il faut continuer la lutte jusqu’au bout, à savoir au pire le retrait total de la loi, au mieux la révolution avec « la tête de Darmanin sur une pique », comme ça a été tagué le 28 Novembre.

Ceci étant dit, quelques remarques :

C’est génial d’amener du matos, mais c’est bien aussi d’apporter les gants qui vont avec. On voit souvent des camarades mener des actions sans gants. Or il est courant que les flics ramassent toutes sortes de projectiles en fin de manif pour récolter les empreintes, voire l’ADN. On peut se retrouver, même plusieurs mois plus tard, inculpé.e dans des procès sur la seule base de nos empreintes ou de notre ADN alors pensons à nous protéger les mains !

De plus en plus de camarades ramènent des parapluies pour former des lignes devant les flics et là encore ça fait plaisir. On invite tout le monde à en ramener, ça prend pas beaucoup de place, c’est multifonction, ça permet de se protéger et de protéger les autres quand c’est nécessaire, autant des armes de la police que des flashs des paparazzis. Nous pourrions communiquer davantage entre nous pour mieux nous coordonner, pour former des lignes de parapluies en même temps et sur le même point de confrontation. On a vu aussi que les barrières de chantier pouvaient être très efficaces comme bouclier collectif, avec ou sans banderoles. De manière générale, tout ce qui fait écran entre les flics et nous est bon à prendre, et même si cela ne nous protège pas nous directement, cela protège peut-être des compagnon.nes qui s’activent quelques lignes derrière.

Globalement, nous pensons qu’il est possible de réfléchir en amont à nos stratégies. C’est déja ouf de prouver qu’il est possible de reprendre la rue, d’arriver à éloigner les flics et que leur prétendue supériorité n’est pas une fatalité, mais nous pensons que nous devrions réussir à le faire quand nous le souhaitons, avec un objectif précis en vue (par exemple, réussir à partir en sauvage dans une rue précise ou pour atteindre un quartier ou un bâtiment précis).

Nous souhaitons revenir rapidement sur les actes et les commentaires de la part de certains journalistes, organisateurs de la manif, qui se dissociaient délibérement de pratiques des camarades présent.es, voir les prenaient à parti. C’était à prévoir, nous ne sommes même pas déçu.es. Nous rappelons que nous serons toujours chaleureusement solidaires de toutes les pratiques, y compris celles qui débordent le cadre imposé dans la rue, que ce soit celui de la police, celui des organisateurs pacificateurs, ou de participant.es à la manif. Si des personnes qui participent activement à la manif au même titre que nous font des actions qui s’avèrent réellement problématiques, la solution pourrait être d’ouvrir des espaces de discussion séparés du moment de la rue, pour revenir dessus de manière critique sans qu’il y ait des embrouilles voire des bastons dans la rue, au moment ou les flics pourraient intervenir. A noter que le prix des dégâts de la manif joue toujours dans le rapport de force contre le gouvernement, le capital, et l’autorité.

A entendre parler les journalistes, il semble que cette lutte soit aussi un peu la leur, celle de la « liberté de la presse ». Nous pouvons nous demander si lorque les journalistes filment les violences policières et les flics en général, ils participent à cette lutte. Nous y participons sans doutes avec les pratiques qui nous semblent les plus efficaces et respectons les personnes qui n’ont pas les mêmes envies ou stratégies que nous. Cependant, lorsque les journalistes forment des haies devant les affrontements, qu’ils gênent la fuite de camarades poursuivies par les anti-émeutes, qu’ils diffusent des photos non-floutées de camarades en action, ils nous mettent en danger, et d’une certaine manière ils contribuent à la répression contre laquelle certain.es d’entre elles et eux prétendent lutter. Il leur est possible de sortir de leur positionnement comme élément neutre, objectif, extérieur à la conflictualité sociale et de nous aider à repousser les flics sur-armés qui tentent d’encadrer et de nuir à nos mobilisations.Retour ligne automatique
En passant, big up aux camarades qui ont attaqué et détruit les caméras du boulevard en mettant le feu au système d’alimentation situé au pied du mât, ou en grimpant jusqu’au globe, c’était très stylé et nous espérons que cette pratique se généralise !

Aux personnes qui relancent les palets de lacrymo ou shootent dedans : essayons de le faire avec discernement. Le sens du vent permet de savoir dans quel sens éloigner les lacrymos sans que cela nuise à d’autres camarades. On voit plein de gens se précipiter sur les palets pour les éloigner mais tout le monde se rentre dedans et les palets font des allers-retour entre différentes parties du cortège. Nous pourrions prendre quelques secondes de plus pour que cela soit plus efficace et mieux nous coordonner par la parole. À noter, les nuages de lacrymos sont comme aspirés à proximité des feux, par les colonnes d’air chaud, et ça les dissipe naturellement. Dans le même genre, on se souvient de la manif en juin à Invalides, ou l’eau d’une borne à incendie permettait d’éteindre massivement les palets de lacrymo.Retour ligne automatique
Également, nous devrions faire plus attention lorsque nous lançons des projectiles. Plusieurs personnes se sont pris des morceaux de bitume, des bouteilles voire des pavés sur la tête. En général, ça ne sert pas à grand chose de lancer sur une cible qui se trouve à plus de 50m de distance. C’est potentiellement dangereux pour les autres camarades et ça gaspille les réserves.

Nous avons eu parfois l’impression que la moindre charge des flics, même si elles entraînaient souvent des contre-charges, entrainaient en premier lieu une cohue et une fuite un peu bordélique. Souvent les flics partaient de loin, mettaient du temps à nous rejoindre. Partir en courant, c’est créer des mouvements de foule, c’est perdre ses potes, c’est affoler les gens à l’arrière pour pas grand chose, c’est risquer que des gens tombent ou se fasse mal sur du mobilier, c’est souvent laisser les premières lignes un peu seules quand les flics arrivent au contact. Il est possible de mieux se tenir les un.es aux autres pour empêcher les arrestations de celles et ceux qui ne courent pas assez vite, et de mieux se coordonner pour éviter des débandades que les flics utilisent pour contrôler les foules.

On en profite pour inciter à diffuser les réflexes de défense face aux flics en cas de garde-à-vue. Parlons-en entre nous avant d’aller à la manif. On a vu plusieurs camarades passer en comparution immédiate ces derniers jours et qui avaient répondu aux questions des flics en garde-à-vue ou de l’enquête sociale au dépot, évidemment les juges les ont enfoncés. Face à la police, nous n’avons rien à déclarer ! (Vraiment rien, pas un mot quand on est en garde-à-vue à part éventuellement les éléments de base de notre identité.) N’hésitons pas à préparer collectivement les procès, c’est toujours plus simple d’être nombreux.euses et préparé.es devant les juges. Si ça vous dit, n’hésitez pas à nous contacter, on peut faire ça ensemble !

Défense Collective Paris-Banlieues

Pour nous rejoindre RDV à notre réunion ouverte à tous.tes, tous les dimanche à 17h30 au 23 rue du docteur potain métro Télégraphe sur la 11, dans le 20e !

Pour nous contacter : defensecollective-pb@riseup.netRetour ligne automatique
FB : defense collective paris banlieuesRetour ligne automatique
Twitter et insta : defensecopb

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