Paris : compte rendu de la manif du 16 juin 2020

Ce texte a été intialement posté sur paris-lutte.info

Ce compte-rendu n’a pas vocation à refléter l’entièreté ou la chronologie de la manif, mais cherche à revenir sur les tactiques de rue dans le but de continuer à développer ensemble notre défense face à la police. Comme tous les comptes rendus, il a été écrit d’un certain point de vue, celui de la défense collective comme pratique, qui pour nous débute dans la rue. Les analyses sont écrites au passif pour des raisons que chacun.e peut imaginer mais en tant que manifestant.es nous cherchons à nous les appliquer d’abord à nous-mêmes. Lorsqu’un nous est utilisé, il l’est au sens des gens présents à cette manifestation.

La police attendait à la sortie du métro St François Xavier. Très rapidement, des camarades ont été mis de côté pour une fouille puis une interpellation, ce qui nous a rappelé la nécessité de rester aux aguets avant même les départs de cortèges, bien groupé.es. Lorsqu’ils veulent nous fouiller, on peut jouer des techniques d’évitement, que ce soit en évitant leur regard quand ils nous scrutent ou par le corps, en continuant d’une marche rapide et sans se retourner quand ils nous apostrophent. Cela peut, au moins, leur faire perdre leur temps et permettre à d’autres de passer sans encombre, au mieux nous permettre de réussir à éviter le contrôle.

Après un trajet très court (qui était prévu ainsi) la manifestation s’est retrouvée nassée de toutes parts sur l’esplanade des Invalides. Dès lors, il s’agissait de réussir à déjouer la nasse, créer des brèches dans un dispositif assez important afin de prolonger la manifestation vers ses objectifs initiaux ou simplement de réussir à partir sans être à nouveau fouillé.es et controlé.es, et d’éviter les interpellations qui interviennent souvent à cet instant.

Ce qu’on a pu remarquer d’intéressant, c’est l’usage de grands parapluies monochromes et sans taquet. Ils créent de la cohésion, protègent relativement des tirs de grenade et de LBD et, aglutinés, peuvent créer un rempart efficace contre la police qui peine à identifier et disperser les manifestant.es. On a aussi pu constater qu’une voiture retournée constitue un rempart un peu plus efficace qu’une banderole pour se protéger des charges.
Plusieurs techniques ingénieuses ont été trouvées sur le tas pour faire face aux tirs de grenades lacrymo : écraser les palets dans l’herbe ou les plonger dans l’eau de la bouche d’incendie ouverte miraculeusement juste derrière le point de tension. Certains palets on pu être éloignés des manifestants grâce à des gants adaptés aux fortes chaleurs trouvables en magasin de bricolage. Ces techniques ont permis de soulager un peu les manifestant.es et d’empêcher leur dispersion.
Un point essentiel reste la communication entre les personnes les plus proches du point de fixation, susceptibles d’être prises en tenaille par des brigades mobiles type BRAV, et les personnes plus éloignées, qui peuvent justement surveiller les mouvements de la police et avertir les premières lignes en cas de contournement. Il est préférable de vérifier visuellement une info avant de la crier à tout le monde, pour éviter le stress pour rien.

Pour tout cela, nous rappelons l’importance individuelle et collective d’empêcher son identification, que ce soit par le visage, les habits, ou les empreintes. Et que c’est possible de venir conseiller à un.e camarade inconnu.e et activ.e de porter des gants et un masque, tout en expliquant pourquoi. Le drône qui filmait tout du long pourrait probablement convaincre rapidement. Le noir n’est pas obligatoire, un vêtement sombre et monochrome fait l’affaire ! On peut garder en tête que soigner son style c’est autant de preuves en moins que la juge aura en sa possession pour nous foutre en taule. On a bien vu d’ailleurs par exemple que la camarade infirmière interpellée a pu être reconnue grâce à ses vêtements particulièrement reconnaissables sur d’autres images à d’autres moments de la manifestation.

La riposte immédiate après la première charge des BRAV a fait vaciller leur côté robocop et intouchable et a permis de briser l’ascendant psychologique qu’ils peuvent avoir sur les manifestations et donc limiter la peur ressentie. Presque toutes les charges policières ont essuyé une contre-charge manifestante, permettant d’éviter plusieurs interpellations et désorganisant leur gestion de la foule. Au bout d’un moment c’est même les manifestants qui menaient la danse et chargeaient en premier les forces de l’ordre, qui elles tentaient de réagir comme elles le pouvaient. C’est pour nous la preuve de notre capacité tactique : plusieurs fois, les tentatives d’encerclement de la BRAV ont échoué grâce à l’anticipation, la déter de chacun.e. Résultat, tous les corps de police ont pu être mis en échec à un moment de l’après-midi, même les fameux BRAV. Nous, sommes resté.es des heures sur l’esplanade et la police n’a pas si facilement réussi à nous faire quitter la rue, que nous étions heureux.ses de reprendre aux côtés des soignant.es qui nous avaient appelé.es depuis le confinement à descendre manifester avec elleux.

Petite pensée aux habituels virilistes qui incitent à aller devant, toujours plus devant, quitte à prendre des risques inutiles ou mal mesurés. Nous pensons au contraire qu’il est important de prendre notre temps face au danger, de lire calmement la situation, et d’en discuter collectivement. Contrairement à ce qui a pu été dit, non, « porter le noir » n’oblige personne à aller tout devant. Allons-y quand nous l’estimons nécessaire et utile, et surtout quand nous y sommes tous.tes prêt.es.

Pour finir, nous rappelons l’importance de discuter après la manifestation avec nos camarades de ce qu’on a vécu, non seulement parce que nous vivons des expériences violentes, mais aussi pour analyser nos erreurs potentielles et nos comportements. Nous pensons que cette manifestation est globalement une réussite et affirmons notre soutien inconditionnel à tous.tes les camarades interpellé.es.

Si jamais vous passez en procès (pour cette manifestation ou une autre) n’hésitez pas à nous contacter par mail (defensecollective-pb@riseup.net) pour lire votre dossier et préparer ensemble la défense.

La Défense Collective Paris – Banlieues

Ce contenu a été publié dans General, MANIFS ET STRATEGIES, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.